Les premiers bébés qui ont fréquenté la Maisonnée, à Strasbourg, ont aujourd'hui 25 ans : la « maison verte » inaugurée par Françoise Dolto fêtera samedi son quart de siècle. Un lieu de vie précieux et unique pour les moins de quatre ans et leurs parents, qui viennent y apprivoiser la vie en société.

Au 13, rue Kageneck, dans le quartier de la gare, à Strasbourg, une vitrine laisse entrevoir des jouets, qui s'animent chaque après-midi, du lundi au samedi.
Il y a 25 ans, quand le propriétaire du local a loué cet espace à l'équipe associative de la Maisonnée, il était plutôt sceptique sur la viabilité du projet. Une « maison verte » animée selon les principes de Françoise Dolto ? Des binômes de psychologues différents chaque jour de la semaine, pour accueillir des enfants d'âge préscolaire et leurs accompagnants ?
50 000 passagesde tout-petitsen un quart de siècle
Un quart de siècle plus tard, après quelque chose comme 50 000 passages de tout-petits, le propriétaire n'a plus à craindre pour la pérennité du concept. « Nos fondamentaux, on les garde ; ils sont à défendre plus que jamais », sourit Christiane Simon-Lang, l'une des fondatrices de la Maisonnée.
La proximité du tram et du train facilite l'accès depuis tout le département. Le lieu reçoit d'ailleurs une aide du conseil général du Bas-Rhin, de la Caisse d'allocations familiales et de la Ville de Strasbourg, solide soutien.
Ici, l'enfant de moins de quatre ans vient avec un parent, un grand-parent, sa nourrice... jamais tout seul. L'occasion par exemple de se préparer en douceur à la fin du congé de maternité. Ou, comme pour cette maman japonaise fraîchement débarquée à Strasbourg avec son nouveau-né, de briser la solitude.
« Parfois, quand on est seule à la maison, les problèmes prennent trop de place »
On vient aussi à un moment difficile de la journée. Comme cette maman de jumeaux de 14 mois, épuisée, qui partage tous les soirs une heure critique pour elle. Ou cette enseignante, qui retrouve son fils chez la nourrice après le travail et s'arrête à la Maisonnée avant de rentrer. Pour avoir un « vrai temps » avec son enfant, un sas avant le coup de feu et les 36 choses à faire le soir à la maison.
Souffler, prendre confiance. Regarder son enfant d'un nouvel oeil. Comme cette maman d'un bébé de trois mois qui « pleure tout le temps ». Et qui passe une après-midi entière ici sans l'entendre. « Cette maman, elle voit que c'est possible. Elle reprend courage. Parfois, quand on est seule à la maison, les problèmes prennent trop de place », explique doucement Mireille Orth, une autre intervenante.
Une ancienne usagère, qui traversait des difficultés avec son fils aîné, témoigne : « C'était incroyable. On arrivait angoissés, pleins de questions. Et vous, vous nous permettiez de poser les choses, tranquillement. Vous étiez comme un bateau, vous teniez le cap. Vous aviez le recul. »
Ici, l'accueil est anonyme, sans rendez-vous, et gratuit (participation libre). La différence avec les nombreux lieux parents-enfants qui éclosent aujourd'hui ? La référence permanente au travail de Françoise Dolto. Le fait que chaque intervenant ait lui-même une formation psychanalytique et une activité professionnelle à côté.
« Accueillir pleinement, c'est un travail qu'on ne pourrait pas faire tous les jours »
« Accueillir pleinement, c'est un travail qu'on ne pourrait pas faire tous les jours », estime Françoise Simon-Lang. « On ne peut pas être tout le temps dans cette disponibilité et dans cette distance », complètent Myriam Zaloszyc et Doris Zoll.
Les « accueillants » se considèrent comme des tiers discrets. Des « passeurs de parole », selon Gabriel Geissler, l'un des hommes de l'équipe. Les mots qu'ils chérissent ? « bienveillance », « prévenance ». Les mots qu'ils détestent ? « guidance », « performance ».
« Ici, on est dans la singularité d'une rencontre. On ne pose pas de question, on permet juste qu'elles soient posées, explique l'équipe à plusieurs voix. On ne prend pas position, par exemple, sur l'allaitement ou sur la tétine. Ce sont les parents qui vont finir par trouver leur propre solution. Ils restent aux commandes. »
« On peut penser que c'est un sacré travail de prévention », lâche Thomas Resch, le nouveau président du conseil d'administration. Il ne fait pas partie des « accueillants », mais il sait de quoi il parle : il travaille avec des mineurs délinquants.
Charlotte Dorn ? Ouvert du lundi au vendredi de 14 h 30 à 18 h 30 et le samedi de 15 h à 18 h, au 13, rue Kageneck à Strasbourg. 03 88 22 30 54 www.la-maisonnee.org
? Ouvert du lundi au vendredi de 14 h 30 à 18 h 30 et le samedi de 15 h à 18 h, au 13, rue Kageneck à Strasbourg. 03 88 22 30 54
25 bougies, deux rendez-vous
? Samedi 15 octobre. De 15 h à 17 h, tous les amis de la Maisonnée sont invités au 13, rue Kageneck pour partager le gâteau d'anniversaire réalisé spécialement par les apprentis pâtissiers du lycée hôtelier d'Illkirch, en musique avec l'association Le Pince Oreille.
Le plus beau cadeau qu'on puisse leur faire ? Que d'anciens bébés passés par la Maisonnées et, aujourd'hui adultes, participent à la fête.
? Mercredi 19 octobre. A 20 h, soirée débat avec l'équipe de la Maisonnée : « Pourquoi y va-t-on ? Que s'y passe-t-il ». L'occasion de comprendre l'originalité de la structure et son utilité dans les toutes premières années de l'enfant.
Un regard précieux face à la tendance au « repérage » des comportements « déviants » des tout-petits, aux diktats de plus en plus puissants en matière d'éducation, aux évaluations permanentes, au culte de la performance dès les premiers babillages voire dès la grossesse (les futurs parents sont d'ailleurs les bienvenus). Le débat, enrichi de 25 ans d'expérience, promet d'être passionnant.
CH

© Dna, Vendredi le 14 Octobre 2011 - Tous droits de reproduction réservés