Jeudi prochain, “La Maisonnée” sera inaugurée à Strasbourg. Un bien beau cadeau qui reste à découvrir par ‘ensemble de tout ceux à qui il est destiné. Parce que des lieux de ce type, spécialement pensés pour le bien-être des petits de 0 à 3 ans, il n’en existe encore nulle part ailleurs en Alsace…

    Du temps ou Simone Veil était ministre de la Santé, elle donna le feu vert à la psychanalyste Françoise Dolto. Celle-ci put alors concrétiser une idée qui lui semblait capitale : Ouvrir un lieu de rencontre et de parole aux tout-petits et à ceux qui sont responsable. “La Maison Verte” existe ainsi depuis 1979, dans le 15ème arrondissement à Paris. L’idée a été reprise à Lyon et à Bruxelles qui a sa “Maison Ouverte”. Et si Strasbourg et toute sa région aux alentours vont bientôt bénéficier d’une telle structure, c’est grâce à une équipe de spécialistes de la petite enfance (psychologues, pédiatres, psychanalystes…) conscients d’un vide à combler.


Pour mieux se comprendre

    Voilà quatre ans maintenant que la réflexion a été engagée. Le déclic, il se situe à la venue de Christiane Simon, en Alsace. Cette jeune psychologue avait suivi à Paris des séminaires de Françoise Dolto. Et la “Maison Verte” paraissait une réponse concrète à des demandes multiples. C’est aussi ce que se dirent d’autres professionnels de la petite enfance avec lesquels elle se mit en rapport. L’équipe s’est à présent agrandie à une douzaine de personnes. Tous sont allés voir la réalisation parisienne : un local clair, des enfants qui jouent, des parents qui bavardent comme ils le feraient dans un square et parmi eux, attentif, un “psy”.

    Le montage financier du projet bas-rhinois s’est avéré la partie la plus difficile de l’opération : “ Pour l’instant, une subvention de 165 000 F nous a été accordée par le Ministère de la Santé dans le cadre de la prévention et de l’aide sociale à l’enfance. La municipalité de Strasbourg nous a donné 30 000 F et la Fondation de France, 50 000 F. Des dossiers ont été déposés dans d’autres instances qui les étudient encore…”. Avec circonspection car la réalisation de l’APEPS (Association Petite Enfance Parentalité et Socialité) est innovante. Pas tant que ça d’ailleurs car “La Maisonnée” cherche à offrir une solution actuelle en remplacement de certains services de jadis. Quand on pense aux grandes familles où le présence d’autres adultes et enfants soulageaient le lien parents-bambin… Qu’on se souvienne des promenades, des parcs, de toutes ces occasions de rencontres que la trépidante vie moderne a presque supprimées ! La facture, pour les familles comme pour la société, est souvent lourde à payer.  “ … les petits deviennent le centre de l’angoisse parentale et l’exutoire des tensions du couple. Jusqu’au moment où, en réponse à ce climat, le bébé est pris de véritables troubles. Parmi les enfants énurétiques, nerveux, dormant mal, mangeant mal ou même les victimes d’autres altérations, une action préventive serait en fait possible.”

    Le but de “La Maisonnée”, c’est que grands et petits se comprennent mieux. C’est pourquoi, la présence d’adultes accompagnateurs est une exigence du projet. Le père, la mère, un des grands-parents, une nourrice franchiront le seuil de “La Maisonnée” en même temps que les enfants. Ceux-ci trouveront sur place de quoi jouer : “ tricycles, jeux d’eau et jouets d’éveil. Les parents, eux, s’accorderont du temps pour voir leur enfant jouer avec d’autres. Ils discuteront avec les autres grandes personnes présentes. Parmi elles; deux spécialistes de la petite enfance qui se relaieront chaque jour.

    Chaque intervenant à l’habitude de ce type de contact puisque tous travaillent dans le secteur libéral ou institutionnel. Ils accueilleront à “La Maisonnée” toutes sortes de visites : femmes au foyer souvent isolées, parents qui élèvent un enfant seuls, femmes enceintes, parents ayant quelque chose de précis à partager ou simplement désireux de vivre un temps de calme avec bébé. “La Maisonnée c’est aussi une étape intermédiaire entre la famille et la halte-garderie ou la maternelle ; parce qu’ici, l’enfant ne vit pas une séparation” remarque Jeanine Geiss. Paul Masotta, psychologue au service de Protection de l’Enfance, souligne aussi l’interêt de la “Maisonnée” pour toutes les assistantes maternelles qui ont en charge des enfants placés par la DDASS. Dire simplement les difficultés ou les joies de leur relation à l’enfant peut faire avancer les choses.


Un expression libre

    Evidemment, tout ça ne risque pas d’être très spectaculaire. Malgré cela, des personnalités ont immédiatement saisi l’importance de ce nouveau lieu. Ainsi, Josiane Bigot, juge des enfants à Strasbourg “...je crois réellement qu’un lieu permettant une expression libre, des rencontres avec des parents...amènera l’amorce de solutions.” Le directeur du Centre Régional d’Alsace pour l’enfance et l’adolescence inadaptée souligne “la façon pertinente” propre au projet “d’éviter la dramatisation et d’associer pleinement les parents à la démarche”. Le professeur Patris, psychiatre aux Hospices civils de Strasbourg, situe “La Maisonnée” dans le cadre actuel de la politique de prévention et assure l’APEPS de “son appui sans réserve”.


“La Maisonnée”, située dans un local de 150 m2 au rez de chaussée, 13, rue Kageneck, à Strasbourg, ouvrira ses portes au public, lundi 10 Février. Parents et enfants seront accueillis de 14h30 à 18h30 tous les jours sauf les mardis et dimanches. La participation aux frais est libre. Tel 88 22 30 54

Marie BRASSART - GOERG
DNA le 6 Février 1986