A Strasbourg, la Maisonnée socialise en douceur les enfants, selon les principes de la psychanalyste Françoise Dolto (*). Elle fête son 13e anniversaire, loin des turbulences de l'adolescence.

Quand un enfant entre à la Maisonnée, on lui parle. C'est même à lui que les accueillants s'adressent en premier. Ils lui expliquent que la personne qui l'accompagne va rester dans le lieu, puis ils inscrivent son prénom sur un tableau : une façon de lui dire « tu as ta place ici ». La Maisonnée accueille les enfants jusqu'à 4 ans. Ils viennent accompagnés de 

leur papa, ou de leur maman, ou d'une tatie qui ne repartira pas sans lui. Cette présence rassurante est « une idée géniale de Françoise Dolto qui va à l'opposée de la séparation brutale », expliquent Christiane Simon-Lang et Myriam Zaloszyc, accueillantes et psychologues. C'est l'enfant qui choisit de se séparer de l'adulte en partant jouer dans une autre pièce. C'est lui qui décide du moment où il ira, seul, à la rencontre des autres. Un moment important qui marquera sa vie.

Liberté, diversité
La Maisonnée fonctionne sans inscription. Les parents viennent à l'improviste, quand ils en éprouvent le besoin ou l'envie. Ils savent qu'ils rencontreront ici d'autres pères et d'autres mères qui leur ressemblent : des parents attentifs, mais inquiets, qui se posent des tas de questions... L'équipe de la Maisonnée est là pour leur répondre. « Nous ne donnons pas de recette, car il n'y en a pas : on devient parent au jour le jour », précise Myriam Zaloszyc. Ils sont une quinzaine de vacataires à se relayer ainsi pour accueillir les familles - psychologues, psychanalystes, pédiatres, éducateurs de jeunes enfants. Ce sont toujours les mêmes professionnels qui, à deux, assurent le même jour. Une autre idée « géniale » au moins pour deux raisons. La diversité des tandems permet aux parents de choisir celui qui leur correspond le mieux. La rotation à l'intérieur de l'équipe l'empêche d'occuper le lieu : il est censé appartenir aux parents.
L'éponge à angoisse
La structure s'apparente à « un jardin public couvert » et à « une éponge à angoisse ». Les images sont jolies, et certainement très justes : elles viennent de Françoise Dolto en personne. Chaque jour apporte une autre ambiance en fonction de la personnalité des uns et des autres. « Nous accueillons des parents de milieux très différents avec des problèmes très différents », dit Christiane Simon-Lang, en évoquant le brassage qui s'opère dans la structure. Fondée en 1986, la Maisonnée a été le premier lieu de rencontre parents-enfants ouvert à Strasbourg. La formule, née de l'expérience parisienne de la Maison verte, était innovante : « On a mis quatre ans pour obtenir les premières subventions », se souvient Christiane Simon-Lang. Le budget de la structure s'appuie presque entièrement sur l'aide de la Ville de Strasbourg, de la CAF (caisse d'allocations familiales), du Département, du FAS (fonds d'action sociale). Et pour cause : pour être accessible à tous, la Maisonnée ne demande pas d'argent aux parents qui glissent ce qu'ils veulent dans une petite boîte. Leur participation couvre 10% des dépenses.
Michèle Singer
(*) Un colloque s'ouvre aujourd'hui jeudi à Paris pour commémorer le 10e anniversaire de la disparition de Françoise Dolto et les 20 ans de la Maison Verte.

© Dernières Nouvelles D'Alsace, Jeudi 14 Janvier 1999. - Tous droits de reproduction réservés